Une histoire de la Shoah, première partie.
Une histoire de la Shoah, deuxième partie.
La culpabilité du survivant, première partie.
Richieu est le premier né des Spiegelman. Mort avant d'avoir été. Mort avant d'avoir vécu. Il restera à jamais l'enfant "parfait", l'enfant modèle, celui qui n'aura jamais eu le temps de faire des erreurs. Difficile pour Art Spiegelman de vivre dans l'ombre de ce frère aîné, ombre qui pèse, ombre qui écrase.
C'est aussi pour cela que j'ai choisi d'appeler cette partie "La culpabilité du survivant". Art est LE survivant. Il a dû faire avec cette histoire qui n'est pas la sienne, et qu'il a probablement apprise à l'école. Il a dû faire avec cette mère "in-vivante" rongée par la culpabilité de cet enfant qu'elle n'aura pu sauver, alors qu'elle-même a vécu. Il a dû faire avec ce père si charismatique, si imposant, si étouffant.
Et puis, le temps de la délivrance est peut-être venu avec le suicide d'Anja. Délivrance, non pas par la mort, mais par le déclic qu'elle aura provoqué chez Art. La manière dont il se représente, en prisonnier, montre qu'il vit dans un état de dépression avancée, d'incapacité à vivre, dans une famille où il serait presque coupable d'être vivant, d'être imparfait, d'être tout simplement. (voir La culpabilité du survivant première partie)
Art est le survivant de cette famille. Il n'hésite pas à montrer ses interrogations, une séance chez son psy, à propos de son livre. Il se met en scène. J'ai aimé la manière dont il a représenté sa culpabilité d'homme adulte, en se montrant devenir petit comme l'enfant qu'il a été, celui là même de la première page du livre, comme l'enfant qui ne comprendrait pas, ou qui serait impuissant devant ce qui arrive.
La culpabilité du survivant dépasse les simples murs familiaux. La société, inconsciemment, se charge, par des remarques, des regards, des gestes, de nous écraser sous un poids qui n'est pas le notre. La société écrase Art, dans son enfance, dans sa jeunesse, à la mort de sa mère, mais aussi plus tard, par rapport à son père. Les gens jugent, parlent de ce qu'ils ne connaissant pas, laissent souvent peu de chance, avec des avis bien tranchés, oubliant seulement qu'ils ne voient que ce qu'on leur donne à voir. Ma lecture du livre ne fait, bien sûr pas foi de vérité, ce n'est qu'une lecture parmi d'autre, par rapport à la personne que je suis, par rapport à mes propres expériences.
Art Spiegelman s'est peut-être, par ce livre, affranchi de cette culpabilité du survivant. Le lecteur peut voir, au fil du récit, l'emprise que Vladek a encore sur son fils, mais il peut également voir comment ce fils le tient à distance. Il est fort possible, que la femme d'Art le rende aussi plus fort pour pouvoir tenir tête et ne pas céder.
Ce livre à reçu le Prix Pulitzer en 1992.
Ce livre est toujours d'actualité. Les enfants ne sont pas responsables des actes de leurs parents. Les enfants ne doivent pas porter l'histoire de leurs parents. Les enfants ne devraient pas ressentir la culpabilité d'être, par rapport à cette histoire.
A voir Art Spiegelman à la Bedethèque.
A lire, Maus chez Jean Yves.