14 avril 2008
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Dazai Osamu : Né le 19 juin 1909, Tsushima Shuji, de son vrai nom, est issu d'une famille japonaise aisée et influente politiquement. Profondément marqué par le suicide de l'écrivain Ryûnosuke, il délaisse ses études, s'engage auprès du Parti Communiste et fait ses premières tentatives de suicide.
En 1930, il entre à l'université de Tôkyô, fréquente l'écrivain Masuji, et finit exclu de sa propre famille à cause de la relation qu'il entretient avec une Geisha.
En 1931, il devra cesser toute relation avec le PC sous l'influence de son frère aîné.
Ecrivant de nombreux poèmes et haïkus, il publiera sa première nouvelle en 1933, Le Train. Trois ans plus tard, sortira son premier recueil de nouvelles Dernières Années.
Il écrivit beaucoup, y compris durant la guerre du Pacifique. Déjà dépendant à la morphine, il sombra définitivement dans l'alcoolisme à la fin de la guerre.
En 1947, le public continue de le soutenir. Il publie Soleil Couchant, et l'année suivante La Déchéance d'un homme.
Marié deux fois, il se suicidera avec la jeune veuve qui partageait sa vie sur la fin. Son corps fut retrouvé le 19 juin 1948, le jour de ses 39 ans.
La nouvelle qui nous intéresse, Bizan, parût en 1948. Vous pourrez la lire dans le recueil Jeunesse, Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, Tome I.
En 1930, il entre à l'université de Tôkyô, fréquente l'écrivain Masuji, et finit exclu de sa propre famille à cause de la relation qu'il entretient avec une Geisha.
En 1931, il devra cesser toute relation avec le PC sous l'influence de son frère aîné.
Ecrivant de nombreux poèmes et haïkus, il publiera sa première nouvelle en 1933, Le Train. Trois ans plus tard, sortira son premier recueil de nouvelles Dernières Années.
Il écrivit beaucoup, y compris durant la guerre du Pacifique. Déjà dépendant à la morphine, il sombra définitivement dans l'alcoolisme à la fin de la guerre.
En 1947, le public continue de le soutenir. Il publie Soleil Couchant, et l'année suivante La Déchéance d'un homme.
Marié deux fois, il se suicidera avec la jeune veuve qui partageait sa vie sur la fin. Son corps fut retrouvé le 19 juin 1948, le jour de ses 39 ans.
La nouvelle qui nous intéresse, Bizan, parût en 1948. Vous pourrez la lire dans le recueil Jeunesse, Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, Tome I.
Estampe de Hiroshige.
Bizan de Dazaï Osamu.
Le livre :
Un jeune homme fréquentait assidûment un bar où travaillait une jeune servante du nom de Bizan. Côtoyant le milieu artistique et littéraire japonais, ses amis et lui se réservaient le droit de se moquer ouvertement et de manière méprisante de la jeune femme, sans jamais s'intéresser sérieusement à elle. Ils choisirent de se référer aux rumeurs courants sur le compte de celle-ci, la dénigrant toujours un peu plus, sans jamais prendre la peine de s'interroger sur la vérité. Seulement un jour, Bizan mourût, et ils sûrent ...
Ce que j'en ai pensé :
Il est toujours intéressant de constater de quelle manière un écrivain peut guider son lecteur vers une réflexion sur l'humain et le comportement de celui-ci, sans pour autant lui imposer une quelconque forme de pensée. Au lecteur d'en tirer les conclusions qui s'imposent.
Dazaï Osamu reste dans cette mouvance. En choisissant un narrateur "Je", l'auteur implique directement celui-ci dans le déroulement de l'histoire, le positionnant comme témoin et acteur, permettant ainsi de mettre en avant l'état d'esprit des personnages "jugeants" ; ici, "je " et ses amis.
Le lecteur est, tout au long du récit, soumis aux jugements de valeur du narrateur et de son entourage, sur la jeune Bizan. Nous n'avons d'elle que l'image qu'ils nous en donnent, soit quelque chose de peu flatteur.
A la lecture du récit, il est bon de prendre en compte, que ces derniers ne connaissent la jeune servante que dans son milieu professionnel. Ils ignorent tout d'elle, supputant x choses sur son compte, la positionnant en être inférieur intellectuellement. Osamu montre de manière subtile combien il est aisé de créer une "mauvaise" et "fausse" réputation à une personne, sur de simples divagations, sans prendre conscience à un seul moment du mal que l'on peut faire à cette dernière. C'est typiquement humain de vouloir combler les zones d'ombre avec des suppositions plutôt que de prendre la peine de chercher une vérité de fait. Au lecteur de ne jamais oublier, à la lecture de ce récit, mais également dans sa vie "sociale", qu'une opinion sur quelqu'un, n'est qu'un regard d'un humain sur un autre humain et ne peut nullement être tenu pour une vérité absolue. Et pour cause, personne n'a jamais en main toutes les données sur une personne, dans les faits comme dans l'esprit.
Le récit s'achève sur la prise de conscience du narrateur. Ce dernier découvre qui était réellement Bizan et le pourquoi de certains des comportements de celle-ci. Pris dans un sentiment de culpabilité quant à son attitude vis-à-vis de la jeune femme, il se trouve mis face à ses propres agissements, à ses jugements de valeur non fondés, lui renvoyant une image de lui -même peu réjouissante. Envahi par la honte (je suppose), ses amis et lui décident / ne sont plus capables de retourner dans le troquet où Bizan travaillait.
La réaction finale du narrateur et de ses amis, en apprenant la mort et la vérité sur Bizan me fait m'interroger sur les raisons de leur changement de comportement. Faut-il toujours que le pire arrive pour que l'Homme prenne conscience de ses travers ? Est-ce la honte ou l'incapacité à assumer leurs actes / paroles qui leur font choisir de ne plus retourner dans ce bar ?
Ce qu'il nous faut retenir de cette nouvelle de Osamu, c'est que nous ne connaissons jamais totalement l'autre. Nous n'avons accès à l'autre que dans ce qu'il nous donne à voir, et dans ce que nous acceptons de voir. Nous ne vivons pas avec les gens. Nous ne vivons pas dans la tête des gens. Je est unique et l'autre aussi.
Je n'ai relevé qu'une seule citation dans cette nouvelle. Elle nous montre l'état d'esprit du narrateur sur les personnes comme Bizan par rapport à sa propre condition .
[Bizan vient d'acheter une revue dans laquelle on parle du narrateur, elle en fait part à celui-ci]J'avais moi aussi reçu cette revue ; je savais qu'un article y disait le plus grand mal de mon roman. Et Bizan allait le lire avec ce visage imperturbable. Enfin, ce n'était pas la seule raison : l'idée que mon nom ou mes oeuvres pussent être touchés par des gens comme Bizan m'était proprement insupportable. En fait, parmi ceux qui disaient préférer la lecture à la nourriture, il s'en trouvait peut-être beaucoup du même acabit que Bizan. Les écrivains, qui travaillent à la sueur de leur front, allant jusqu'à sacrifier femme et enfants, ne se rendent pas compte qu'ils sont peut-être au service de ce genre de lecteur ? Cette pensée soulevait en moi un sentiment de dépit et d'amertume si fort que je n'arrivais même pas à en pleurer.
Cette nouvelle étant issue d'un recueil publié sous le titre Jeunesse, il est important de prendre en compte l'âge du narrateur. Ce n'est pas un homme d'expérience sociale et littéraire qui parle, mais un jeune écrivain qui n'a pas encore appris à bien regarder ceux qui l'entourent et à voir que les apparences ne sont souvent qu'une partie infime de l'autre, de ce que l'on peut en apercevoir. Il se montre un tantinet pédant et supérieur, pas forcément conscient que les "mauvaises" critiques doivent être des sources de rebondissement et de travail, et non des points de vues hostiles et non constructifs. Il porte aussi ce regard sur la jeune femme. Il pense tout savoir sur tout, et la vie, par la mort de cette dernière, les révélations sur sa vie, se charge de le mettre face à ses erreurs de réfléxions.
Le livre :
Un jeune homme fréquentait assidûment un bar où travaillait une jeune servante du nom de Bizan. Côtoyant le milieu artistique et littéraire japonais, ses amis et lui se réservaient le droit de se moquer ouvertement et de manière méprisante de la jeune femme, sans jamais s'intéresser sérieusement à elle. Ils choisirent de se référer aux rumeurs courants sur le compte de celle-ci, la dénigrant toujours un peu plus, sans jamais prendre la peine de s'interroger sur la vérité. Seulement un jour, Bizan mourût, et ils sûrent ...
Ce que j'en ai pensé :
Il est toujours intéressant de constater de quelle manière un écrivain peut guider son lecteur vers une réflexion sur l'humain et le comportement de celui-ci, sans pour autant lui imposer une quelconque forme de pensée. Au lecteur d'en tirer les conclusions qui s'imposent.
Dazaï Osamu reste dans cette mouvance. En choisissant un narrateur "Je", l'auteur implique directement celui-ci dans le déroulement de l'histoire, le positionnant comme témoin et acteur, permettant ainsi de mettre en avant l'état d'esprit des personnages "jugeants" ; ici, "je " et ses amis.
Le lecteur est, tout au long du récit, soumis aux jugements de valeur du narrateur et de son entourage, sur la jeune Bizan. Nous n'avons d'elle que l'image qu'ils nous en donnent, soit quelque chose de peu flatteur.
A la lecture du récit, il est bon de prendre en compte, que ces derniers ne connaissent la jeune servante que dans son milieu professionnel. Ils ignorent tout d'elle, supputant x choses sur son compte, la positionnant en être inférieur intellectuellement. Osamu montre de manière subtile combien il est aisé de créer une "mauvaise" et "fausse" réputation à une personne, sur de simples divagations, sans prendre conscience à un seul moment du mal que l'on peut faire à cette dernière. C'est typiquement humain de vouloir combler les zones d'ombre avec des suppositions plutôt que de prendre la peine de chercher une vérité de fait. Au lecteur de ne jamais oublier, à la lecture de ce récit, mais également dans sa vie "sociale", qu'une opinion sur quelqu'un, n'est qu'un regard d'un humain sur un autre humain et ne peut nullement être tenu pour une vérité absolue. Et pour cause, personne n'a jamais en main toutes les données sur une personne, dans les faits comme dans l'esprit.
Le récit s'achève sur la prise de conscience du narrateur. Ce dernier découvre qui était réellement Bizan et le pourquoi de certains des comportements de celle-ci. Pris dans un sentiment de culpabilité quant à son attitude vis-à-vis de la jeune femme, il se trouve mis face à ses propres agissements, à ses jugements de valeur non fondés, lui renvoyant une image de lui -même peu réjouissante. Envahi par la honte (je suppose), ses amis et lui décident / ne sont plus capables de retourner dans le troquet où Bizan travaillait.
La réaction finale du narrateur et de ses amis, en apprenant la mort et la vérité sur Bizan me fait m'interroger sur les raisons de leur changement de comportement. Faut-il toujours que le pire arrive pour que l'Homme prenne conscience de ses travers ? Est-ce la honte ou l'incapacité à assumer leurs actes / paroles qui leur font choisir de ne plus retourner dans ce bar ?
Ce qu'il nous faut retenir de cette nouvelle de Osamu, c'est que nous ne connaissons jamais totalement l'autre. Nous n'avons accès à l'autre que dans ce qu'il nous donne à voir, et dans ce que nous acceptons de voir. Nous ne vivons pas avec les gens. Nous ne vivons pas dans la tête des gens. Je est unique et l'autre aussi.
Je n'ai relevé qu'une seule citation dans cette nouvelle. Elle nous montre l'état d'esprit du narrateur sur les personnes comme Bizan par rapport à sa propre condition .
[Bizan vient d'acheter une revue dans laquelle on parle du narrateur, elle en fait part à celui-ci]J'avais moi aussi reçu cette revue ; je savais qu'un article y disait le plus grand mal de mon roman. Et Bizan allait le lire avec ce visage imperturbable. Enfin, ce n'était pas la seule raison : l'idée que mon nom ou mes oeuvres pussent être touchés par des gens comme Bizan m'était proprement insupportable. En fait, parmi ceux qui disaient préférer la lecture à la nourriture, il s'en trouvait peut-être beaucoup du même acabit que Bizan. Les écrivains, qui travaillent à la sueur de leur front, allant jusqu'à sacrifier femme et enfants, ne se rendent pas compte qu'ils sont peut-être au service de ce genre de lecteur ? Cette pensée soulevait en moi un sentiment de dépit et d'amertume si fort que je n'arrivais même pas à en pleurer.
Cette nouvelle étant issue d'un recueil publié sous le titre Jeunesse, il est important de prendre en compte l'âge du narrateur. Ce n'est pas un homme d'expérience sociale et littéraire qui parle, mais un jeune écrivain qui n'a pas encore appris à bien regarder ceux qui l'entourent et à voir que les apparences ne sont souvent qu'une partie infime de l'autre, de ce que l'on peut en apercevoir. Il se montre un tantinet pédant et supérieur, pas forcément conscient que les "mauvaises" critiques doivent être des sources de rebondissement et de travail, et non des points de vues hostiles et non constructifs. Il porte aussi ce regard sur la jeune femme. Il pense tout savoir sur tout, et la vie, par la mort de cette dernière, les révélations sur sa vie, se charge de le mettre face à ses erreurs de réfléxions.