Libre et légère, une nouvelle qui pourrait nous sembler "facile", et qui à mots couverts, sans jamais choquer son public, dénonce la société aristocrate du XIX°sc. En lisant son roman Eté, j'avais déjà retrouvé une écriture qui n'était pas sans me rappeler D.H. Lawrence, l'auteur, entre autre, de L'amant de Lady de Chatterley (partie 1, partie 2) , La fille perdue ou encore Femme amoureuse.
Deux personnages principaux, dont les vies sont liées : Georgie et Guy. Ils sont cousins, s'aiment, sont fiancés. Elle est jeune, belle et frivole, calculatrice. Il est lui aussi jeune, beau garçon, et artiste. Sa profession joue contre lui, car son "innocente" cousine a bien du mal à se projeter dans un avenir de luxe avec un artiste, qui ne pourrait peut-être pas lui offrir la richesse qu'elle souhaitera. Aussi, quand Lord Breton lui demande sa main, elle n'hésite que peu à rompre ses fiancailles, après avoir provoqué une dispute avec Guy. Celui-ci, fou d'amour et du coup, brisé par le chagrin part à Rome avec son ami Jack Egerson.
Dès lors, Georgie va vivre une vie de Lady auprès d'un Lord vieillissant qui, évidemment n'est pas à la hauteur sentimentale d'une jeune femme. Il est malade, alors qu'elle se veut de tous les bals de Londres. Il est jaloux, vigilant, car elle est devenue la coqueluche du beau monde. Mais est-elle heureuse ? Non, car finalement, sortie du monde des apparences, elle s'ennuie auprès de son mari, refusant de subir l'autorité de ce dernier.
De l'autre côté, Guy se jette à corps perdu dans sa peinture. Il rencontre la jeune Teresina, dont le père veut la marier à un homme, alors qu'elle en préfère un autre. Guy, touché par la jeune personne, fait en sorte que le père de cette dernière fléchisse, et que la jeune fille soit heureuse.
Egerson rentre à Londres, Guy part dans les Alpes. Egerson rencontre alors la fameuse "Georgie", celle qui a brisé le coeur de son ami. Il tombe sous son charme, et pourtant, il n'hésite pas, lui, avec sa réputation de mysogine, à lui dire le fond de sa pensée. Georgie, en proie à un état dépressif, sa vie l'ennuie, et regrettant son choix amoureux, est plus que touchée par Egerson, qui ne fait que remuer le coup dans la plaie de la jeune Lady.
Parallèlement, Guy a rencontré la jeune Madeline Graham, fille d'un commerçant frutueux. Il s'attache à elle, chaque jour un peu plus. Non pas que l'amour ardent connu avec Georgie resurgisse auprès de Madeline. L'amour de Guy se construit au fil des rencontres, de ce qu'il découvre de cette jeune personne.
Chacun des deux personnages vit donc sa vie, après la rupture. L'une rongée par son choix, l'autre subissant un choix, mais rebondissant, parce que "plutôt la vie".
Il est intéressant de voir comment finit cette nouvelle, dans laquelle les mariages arrangés sont dénoncés, les mariages d'intérêts montrés dans toute leur hypocrisie. La liberté d'une femme de sa condition a été de choisir entre un homme qu'elle aime, et un homme qui lui apporterait richesse et renom.
Cette nouvelle est complètée par trois critiques du livre, par l'auteur elle-même, consciente de ce qu'elle vient d'écrire, ainsi que par une courte nouvelle nommée Expiation. Cette dernière raconte l'histoire du pseudo auteur de la nouvelle Libre et légère. Ce n'est pas un roman sulfureux,ce qui le rendrait sulfureux c'est tout ce que l'on en dirait, de ce qui se cache derrière l'attitude des personnages, de leur choix.
Edith Wharton, née en 1862, à New-York, fut la première femme à recevoir le Prix Pulitzer avec Le temps de l'innocence. Elle avait 14 ans lorsqu'elle écrivit Libre et légère, et qu'elle fit paraître sous un pseudonyme masculin "David Olivieri".
" C'est un triste aspect de la nature humaine que cette passion suicidaire d'écrire des romans qui atteint toute une catégorie de fanatiques inoffensifs, lesquels, sans avoir un grain de talent ni de formation littéraires, profitent de la liberté de la presse pour inonder le public exténué de balivernes sentimentales en volumes brochés."
C'est Edith Wharton elle-même qui dit ces mots, mots que l'on pourrait coller à nombre d'auteurs aujourd'hui, auteurs qui veulent nous faire croire qu'ils savent écrire, qu'ils inventent de nouvelles histoires, alors qu'ils ne font que reprendre des sujets, maintes et maintes fois abordés, souvent de manière "facile", ne surprenant plus le lecteur averti. Ils étouffent les rayons des libraires, cachant les vraies perles littéraires, faisant oublier, au public, ce qu'est la véritable littérature, à cause de cette tendance à la facilité.